Fiche Juridique : La propriété intellectuelle est-elle un frein au design, à l’innovation ?

Aujourd’hui nous inaugurons une tribune juridique dans laquelle Maître Delphine Bastien, spécialiste des questions de propriété intellectuelle, traite de questions concrètes pour les entreprises et les créateurs.

A quoi sert la propriété intellectuelle ? Doit-on obligatoirement protéger son design par un ou plusieurs droits de Propriété Intellectuelle ?

L’auteur de ces questions, souvent, n’a pas une vision claire de ce que représente un droit de propriété intellectuelle confondant souvent les notions d’ » »idées » », «  »concepts » » (premières ébauches de l’idée), «  »droit d’auteur » » français et communautaire et le «  »copyright » » provenant du monde anglo-saxon, un «  »brevet » » et un «  »savoir-faire » » etc.

Un droit de propriété intellectuelle protège les créations de formes esthétiques (droit d’auteur, droit de dessins et modèles), les créations techniques (droit de brevet), les créations informatiques (droit d’auteur), les signes distinctifs permettant de les commercialiser sous un nom et/ou un logo (droit d’auteur, droit de marque, droit de dessins et modèles), etc.

Lorsque les créations en sont au stade de l’idée, souvent, elles ne sont pas suffisamment formalisées pour être protégeables par un droit de propriété intellectuelle. Ainsi, toute personne pourrait librement s’accaparer l’idée si elle était divulguée sans précaution, c’est-à-dire sans qu’un accord de confidentialité n’ait été signé.

Lorsque son idée est divulguée sans précaution, c’est trop tard !
De même, lorsque sa création est commercialisée sans précaution, c’est aussi trop tard, on ne peut plus, ou difficilement, mettre en œuvre des protections.
Autrement dit, attendre le succès commercial pour protéger ses créations, c’est une stratégie souvent perdante.

Recourir ou non aux droits de la propriété intellectuelle, c’est faire un véritable choix entre le libre usage de ses créations – tout le monde devant pouvoir les recopier ou les imiter – et la gestion économique de ses créations par le biais de licence ou de cession, gratuite ou payante, de droit de Propriété Intellectuelle. C’est donc le choix entre l’un de ces deux «  »business model » » qui s’impose aux créateurs étant précisé que la gestion de ses droits de propriété intellectuelle permet d’espérer au moins un retour sur investissement du montant des sommes dépensées pour acquérir ses droits. Cela permet aussi de s’assurer que ses créations soient exploitées telles qu’on le souhaite. Cela permet également de valoriser son entreprise et de faire venir des partenaires dans ses projets.

Pour autant est-ce que les droits de propriété intellectuelle empêchent la création d’exister ou de se développer ? La vocation première de la propriété intellectuelle a été de permettre aux créateurs de divulguer leur création au public en étant protégés contre les contrefacteurs. Or, ces publications officielles sont autant de sources d’inspiration pour toujours aller plus loin dans l’innovation sans copier l’existant. En revanche, garder secrètes ses créations, c’est empêcher le créateur de connaître l’état de l’art existant et donc d’innover.

Mais utiliser les droits de propriété intellectuelle pour limiter abusivement la concurrence, bloquer l’accès à une création du fait de redevances volontairement élevées, engager des procédures judiciaires abusives pour mettre la main sur des créations innovantes c’est détourner la vocation première de la propriété intellectuelle et dans certains cas, cela pourrait constituer de véritables abus de droit.

Il est vrai que le droit de propriété intellectuelle est un droit fort, car cela donne un véritable droit de propriété sur une création (droit d’autoriser et d’interdire son exploitation, notamment sa fabrication et sa commercialisation).

À cet égard, il convient de rappeler qu’un droit de propriété intellectuelle, même lorsqu’il est enregistré par un office d’enregistrement, peut se heurter à des contestations très sérieuses lors de contentieux. En effet, il est bon de garder à l’esprit que les offices d’enregistrement n’ont pas pour mission de vérifier les critères de validité juridique des titres de propriété industrielle.


Tribune de Delphine BASTIEN
Avocat au Barreau de Paris
Spécialisée en propriété intellectuelle
Professeur associé – Université Paris 13
Mail : delphinebastien@club-internet.fr
Tél : 01 45 20 74 88
Blog : avocats.fr/space/delphine.bastien

-> A lire également sur notre blog l’article : Fiche pratique Juridique : La protection des créations par la propriété intellectuelle

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