Développer une marque de luminaires pour l’habitat grâce au design industriel – interview de Marie GAUTIER, Gérante de Confidence and Light

L’essentiel :

  • Les compétences du designer sont indispensables pour une entreprise produisant des biens de consommation : c’est un métier qui apporte l’équilibre au projet, et l’ ouverture sur l’extérieur à l’entreprise : « l’entreprise qui a des jours heureux devant elle est celle qui est ouverte. »
  • La signature d’un designer est importante, même si elle n’est pas connue : cela signifie qu’il y a un concepteur derrière l’objet, et donc du sens.
  • Comme dans un couple, le designer et l’entrepreneur se choisissent mutuellement et c’est ce qui donne la relation équilibrée souhaitable.
  • Le plus long dans l’édition est la distribution : il faut du temps et de la communication pour que les boutiques changent leurs habitudes de marques et de modèles…
  • La production doit en permanence s’adapter en fonction du non suivi par les fournisseurs des références de fournitures, pour les matériaux, les coloris et les finitions.



Lors de l’événement France Design organisé à Milan, Confidence and Light, fabricant de produits d’éclairage pour les espaces tertiaires présentait pour la première fois une collection destinée à l’habitat, remarquable tant par son style que par les caractéristiques techniques… Un domaine sur lequel les fabricants français s’étaient depuis longtemps effacés devant les éditeurs italiens.


Marie GAUTIER, fondatrice et dirigeante de la société, nous accueille aujourd’hui dans son showroom parisien situé à proximité des anciennes écuries de Madame de Pompadour, pour partager sa passion pour ses création et nous expliquer les raisons et la vision entrepreneuriale qui guident ce challenge…

Q. : Madame Gautier, vous agissiez dans un domaine extrêmement technique, d’où vous est venue la décision d’engager une démarche design pour votre société ?
Marie GAUTIER : L’éclairage pour le tertiaire est effectivement un métier extrêmement technique. Nous travaillons par exemple pour des bâtiments basse consommation (BBC) devant répondre à des chartes & des normes exigeantes. Nous avons à ce titre développé en partenariat avec la Direction Technique d’EDF et l’Université d’Orléans une optique baptisée « BBC » actuellement produit français présentant le plus haut rendement (86%). Ce sont des contraintes auxquelles nous sommes désormais couramment confrontés tant pour nos gammes de produits que dans nos activités de sous-traitance.


Je souhaitais depuis plusieurs années, ajouter à notre catalogue des lampes « haut de gamme », plus dessinées, pour traiter dans le tertiaire les bureaux de direction et les espaces de vie qui échappaient à nos contrats.

Les fabricants françaiss sont présents dans la fabrication de produits éclairants mais pas dans les luminaires aussi beaux qu’efficaces, qui relèvent plus du domaine des fabricants italiens… Il y avait donc une voie à emprunter, pour éditer les designers français et … étrangers.


A ce stade de mes réflexions, j’ai il y a sept ans rencontré Arik Levy, et de cette rencontre est née « Miss Light » : une ligne pure mais complexe à fabriquer, respectueuse des règles de non éblouissement (utilisation de filtres perforés pour éviter les fortes luminances).

Nous avons ensuite poursuivi avec la ligne « Magnet »…

Q. : C’était une évolution totale de votre stratégie… Comment l’avez-vous mise en place opérationnellement ?
MG : Suite au départ d’un associé en 2011, j’ai totalement restructuré la société, et lancé plusieurs actions :

  • J’ai fait appel à Véronique Thouvenin, pour la communication, le relooking de la marque, la mise au point des cahiers des charges des designers, le choix des salons… Elle assume aussi un rôle de directeur artistique pour C & L.
  • Ldesign studio (Pippo Lionni) a pris en charge notre communication écrite : nouveau logo, image, site web, création d’un catalogue…
  • J’ai choisi une agence de presse, « 14septembre » après avoir rencontré Laurent d’Estrées à l’occasion de France-Design Milan.
  • Sur le plan commercial, mon ancien associé assurait seul les ventes en direct Nous avons mis en place à son départ, un réseau de distribution en s’appuyant sur des professionnels éclairagistes (un par région administratives) d’une part, et sur des boutiques d’autre part. Nous assurons une « formation » de nos partenaires.
  • Tout ceci en poursuivant notre activité auprès des grands comptes, pour lesquels nous gérons des contrats cadres, des prescripteurs, bureaux d’études…

Ces nouvelles collaborations se sont faites sur le « feeling »…

Q. : Comment avez-vous identifié les designers auxquels vous avez fait appel ?
fred MG : J’ai fait la connaissance d’ Arik Levy par un ami commun, Nous nous sommes très vite bien compris ; je lui ai donc confié ce projet.
 J’ai croisé nos autres designers à l’occasion d’autres projets ou je les ai rencontré par l’intermédiaire de relations professionnelles.

Q. : Quel est le cahier des charges que vous transmettez habituellement aux designers pour réaliser de nouvelles gammes ?
MG : Les critères pour toutes nos lampes sont :

  • un bon rendement lumineux
  • les économies d’énergie : nous utilisons des sources fluorescentes et LED uniquement
  • pas de produits isolés : nous leur demandons de créer une gamme, une famille
  • des lignes pures, un design minimaliste : ce qui donne à nos produits leur caractère intemporel, une forme de classicisme
  • envisager la possibilité de personnaliser des éléments du luminaire (découpe spécifique, sérigraphie, couleur des abats-jours, d’une sous-face, gravure…)
  • prise en compte de l’éco-conception : fin de vie des produits, réutilisation des matériaux, recyclage de ce qui peut l’être, etc.

Q. : Quel est votre rythme pour développer de nouveaux produits ?
MG : Nous allons essayer de rester sur un rythme de 1 à 2 collections par an. Les nouveautés sont guidées par les besoins du marché… Par exemple, avez-vous remarqué comme les couloirs sont parfois mal éclairés ? Il y a là un vrai besoin ! Nous avons été les premiers à retirer de nos références, les appareils « marche/arrêt », au profit d’une graduation du flux. Actuellement, nous proposons systématiquement l’intégration de détecteurs de présence associés à des capteurs de luminosité (ajustement selon l’apport de lumière naturelle).
Prochaine étape : le mouvement. L’utilisateur pourra interagir avec l’objet, tisser un lien particulier, se l’approprier. L’homme et la matière deviendront complémentaires.

Q. : Comment travaillez-vous avec les designers ?
MG : Nous recevons spontanément des projets de designers. ce qui ne m’empêche pas de solliciter des jeunes talents ou des créateurs confirmés parce que j’ai envie de travailler avec eux.
Je veille à ce que leur projet soit compatible avec nos outils de production, qu’ils aient réfléchi avec attention à la conception (même si elle doit représenter un challenge pour l’entreprise), et j’impose aussi parfois des « choses » : . Le designer doit être prêt assez souple pour accepter des aménagements s’ils s’avèrent indispensables pour que la ligne soit commercialisable dans les meilleures conditions. C’est une des conditions pour que la confiance s’installe, que nous ayons plaisir à travailler ensemble… Un vrai équilibre doit exister entre l’entreprise et le designer. En anglais, confidence signifie confiance…
En tant qu’éditeur, pour « vendre » un produit, nous devons l’aimer, pouvoir raconter son histoire…

Les designers sont rémunérés aux Royalties, nous ne leur versons pas de droit d’entrée, en revanche nous finançons le développement du modèle, les prototypes, outils spéciaux, plans, ….
OïO

Q. : Comment est structurée votre entreprise et comment produisez-vous ?
MG : L’entreprise compte 6 collaborateurs. La philosophie de l’entreprise est d’éviter un fonctionnement hiérarchique, de laisser aux collaborateurs de la marge de manœuvre, le droit d’essayer, et le droit à l’échec !
Pour la fabrication, nous avons choisi des partenaires industriels français. Le premier est ATCS, atelier de tôlerie en Sologne, avec lequel nous étions déjà en contact (fabricant de rayonnages pour les grandes surfaces entre autres) Nous avons mené à bien ensemble l’éclairage du siège d’Alcatel Lucent (ce qui représente 3500 luminaires !) et ils ont relevé le défi… Ils disposent d’un tiers de nos parts sociales, nous travaillons donc en totale confiance. En 2000, l’atelier comptait 10 personnes, ils sont aujourd’hui 80. Ils ont pu investir dans des outils de production performant (découpe laser, plieuses & perforatrices numériques, cabine de peinture automatisée). Ils travaillent l’acier et l’aluminium, câblent, contrôlent, sans rupture de charges.
Pour les produits nécessitant de l’usinage, du chromage nous faisons appel à un autre partenaire, IMG dans le Nord de la France
.
La lampe OÏO, développée pour Bouygues Telecom et Louis Vuitton, requérait des techniques avancées (travail du plastique et éclairage LED). Nous avons fait appel à la société Neolux (fr) à l’origine du système DIALUMEN (éclairage des diamants) et à la Sté Angebault (Vendée) pour le travail du plastique.
Sur des marchés spécifiques comme l’équipement de bibliothèques, nous travaillons par exemple en partenariat avec la société Silvera.

Q. : Parlons Chiffres…
MG : Prenons l’exemple de la ligne FRED.
Nous avons pris en charge le coût de fabrication d’un outil de repoussage spécifique (5000 euros), les frais de plans, de prototypes et d’études pour 7800 euros. Et ce pour une ligne de trois produits (lampe à poser, suspension & lampadaire). Il faut ajouter ensuite l’investissement pour les pré-séries (5 à 10 produits de chaque) qui nous servent à valider les process de fabricaton, assurer les shooting photos, faire les premières présentations presse & salons, …
Le pourcentage des royalties varient entre 5 et 8 % sur les ventes HT, selon le produit et la notoriété du designer.

Q. : Quels sont vos prochains challenges ?
MG : Nous allons à présent développer l’export : en Europe bien sûr, mais aussi en Amérique du nord, pays du golfe persique, et Japon peut-être…

Q. : Quelles sont les difficultés que vous avez pu rencontrer ?
MG : Il nous a fallu près de 2 ans pour développer la ligne « Miss Light ». Mais le plus long a été de mettre en place le circuit de distribution : notre marque était totalement inconnue des boutiques, revendeurs, du grand public et de la presse spécialisée car nous n’avions jamais communiqué vers ces cibles (totalement différente du tertiaire).
De plus il faut du temps aux boutiques pour changer leurs habitudes de marques et de modèles…
Coté production, un problème majeur auquel nous somme très régulièrement confrontés est le non suivi par les fournisseurs des références de fournitures, pour les matériaux, les coloris et les finitions…

Q. : Quels conseils partageriez-vous auprès des dirigeants d’entreprise ?
MG :

  • Le designer donne des ailes à l’entreprise : c’est lui qui donnera de l’équilibre, une cohérence dans le choix des matières, des couleurs… et sans cette compétence pour le projet cela ne marchera pas, il manquera toujours « le petit truc ».
  • Une signature, même si elle n’est pas connue, signifie qu’il y a un concepteur derrière l’objet, et donc du sens.
  • Un « bon » designer travaille en fonction de l’actualité économique. Or le secteur de l’éclairage est en pleine révolution… il apporte par son ouverture sur l’extérieur une vraie valeur ajoutée à l’industriel. « L’entreprise qui a des jours heureux devant elle est celle qui est ouverte. »
  • Comme dans un couple, le designer et l’entrepreneur se choisissent mutuellement et c’est ce qui donne la relation équilibrée souhaitable.
  • Il faut communiquer !



Merci Madame GAUTIER pour votre accueil, nous vous souhaitons un développement tout aussi brillant que cette collection !

Fiche d’identification de l’entreprise

  • Nom : Confidence and Light
  • Dirigeant : Marie GAUTIER, Gérante
  • Secteur : Fabrication et diffusion d’appareils d’éclairage électriques
  • Date de création : 1999
  • Localisation : La Ferté Saint-Aubin (45)
  • Marché : monde
  • Chiffre d’Affaires 2011 : 2,8 M€
  • Effectif : 6
  • Designers :

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