Le salon Maison et Objet s’est tenu à Paris-Villepinte du 18 au 22 janvier 2013. Ce rendez-vous B2B international donne chaque début d’année la tonalité du secteur déco/design sur les univers de la maison, du mobilier, des accessoires et de la mode. Nous vous en synthétisons donc ici un bilan business et tendances, comme chaque année.
Cette édition avait pour thème annoncé « Vivant »…
- Ce thème, s’il était traité de façon fort intéressante dans le « parcours d’Inspirations » (3 espaces se donnant pour objectif de détecter les courants et styles porteurs des prochaines saisons au travers de l’offre du salon et des micro signes annonciateurs des changements d’influences), nous semblait néanmoins ne correspondre qu’à une création élitiste, et semblait plus relever du wishful thinking quand l’on parcourait les allées du salon, ou à tout le moins d’une volonté de résilience… c’est surtout la tension, l’attentisme et la morosité qui étaient particulièrement prégnantes pour cette session dans la production et le commerce…
- La production et les nouveautés confirment le recentrage sur les valeurs sures, sur l’essentiel, comme nous vous l’annoncions dans nos précédentes notes d’analyse (retour sur Milan ’12 et retour sur M&O ’12),
- Autre phénomène marquant : un déplacement confirmé du centre de gravité de la clientèle : un visiteur sur deux venant de l’étranger (moyen orient et Asie en particulier), c’est l’export qui sauve le business. Le meilleurs indicateur en est que la Safi, organisateur du salon, prépare une édition à Singapour pour l’an prochain, sous le nom Maison & Objet Asia, du 10 au 13 mars 2014.
- D’un point de vue business :
Si la baisse de fréquentation de la clientèle française est en partie imputable aux conditions climatiques, il n’en demeure pas moins que le rétrécissement du marché européen est marqué dans les commandes. C’est l’export qui compense les volumes sur les marché déco et haut de gamme, en particulier les clientèles moyen-orientales (Emirats, Koweit…), asiatiques et russes…
Les économies sont partout : les scénographies sont réutilisées, les collections renouvelées a minima, des exposants ont disparu, d’autres sont présents pour rassurer leurs clients malgré des plans sociaux en cours.
Le « made in France », sujet d’actualité (la mission de réflexion « marque France » a été lancée ce 30 janvier par le ministère), devient un argument incontournable, tant pour la clientèle territoriale (réflexe protectionniste) que pour la clientèle internationale (synonyme de raffinement et d’art de vivre)…
Qu’en est-il réellement dans la production ? Les idées reçues sont battues en brèche : hors des secteurs du luxe qui tentent de capitaliser et (re)consolider leurs savoir-faire territoriaux, un grand nombre de société positionnées haut de gamme ou moyenne gamme (ayant des volumes de ventes significatifs) qui avaient résisté à ce mouvement jusqu’à présent se sont résolues à déplacer leur fabrication à l’étranger (et en Asie en particulier). La raison : leurs sous-traitants français ou européens (métallurgistes, verriers, composites, mécanique, électronique…) ont disparu, ou sont incapable de répondre dans des conditions acceptable de qualité (eh oui), de délais, ou de volumes aux commandes, ou encore leur outil de production ne permet plus de répondre à l’état de l’art par faute d’investissement.
En revanche beaucoup de fabrications en entrée de gamme et low-cost sont rapatriées en France, quand elles font intervenir peu de main-d’œuvre où peuvent être automatisées (plasturgie, tôlerie, découpe numérique…) , et que la logistique redevient le facteur différenciant.
- D’un point de vue collections et évolution de la consommation :
Nous mentionnions lors des précédentes sessions que les noms des créateurs s’estompaient. A présent les sociétés mettent leurs produits en avant même de leur marque… La priorité est de vendre !
Dans ce contexte donc des nouveautés ponctuellement, mais timides et peu marquantes. Certaines collections ont mêmes été repoussées à l’an prochain : investissements gelés…
Les produits sont minimalistes à l’image de la session précédente, et recherchent toujours la valorisation de la qualité, de savoir-faire (toujours une grande attention aux détails), et de plus en plus d’une histoire, d’une culture. Les références à l’histoire de la société, l’histoire du design, à la culture picturale voire littéraire sont permanentes dans le storytelling bien sur mais également dans la nature profonde des objets.
Corollaire de la période de repli que nous vivons, la maison revient au centre des préoccupations. Les entreprises ont complètement intégré l’influence du pragmatisme et du fonctionnalisme à la Ikea. La maison s’étend aux jardins et balcons, de plus en plus considérés comme des pièces à vivre (cuisine, salon…) et les intérieurs se végétalisent : la frontière entre indoor et outdoor s’estompe, les meubles et objets peuvent s’adapter aux deux, ou sont détournés.
Absente de ce salon, car encore peu prise en compte par les professionnels traditionnels, la tendance au participatif et au « do-it-yourself » (mis à part dans une certaine mesure ledito.fr)… Gageons que ce mouvement de fond finira par apparaitre d’une manière ou d’une autre dans les prochaines sessions.
- D’un point de vue tendances (n’hésitez pas à réagir !) :
Comme dit plus haut, une session « sobre », des productions consensuelles à l’extrême, desquelles se dégagent quelques courants, mais toujours aucun « mainstream ».
Les formes sont épurées, tournées vers le pratique. Après la disparition de l’ostentatoire, du « bling bling », les objets reviennent à la discrétion et la rigueur fonctionnelle telle la fable de la cigale et la fourmi…
Cette sobriété, ce minimalisme ne conduisent néanmoins pas à l’austérité car ils sont adoucis par du lien à la nature ou aux racines, d’une façon ou d’une autre : des tables incorporent une jardinière, la forme de certains vases a été donnée par leur écoulement naturel, on a un contact avec la matière naturelle à certains endroits, des signes régionaux voire ethniques donnent très discrètement une personnalité aux produits, les objets industriels empruntent aux codes de l’artisanat… L’omniprésence de virtuel provoque un besoin de se connecter à ses racines et à la nature, et cela va de paire avec un souci d’éco-responsabilité (production à petite échelle, recyclage, design responsable…)
La haute technologie a totalement été escamotée bien qu’omniprésente, trop agressive elle doit à présent remplir son office en se faisant oublier : les oled (la technologie la plus avancée de l’éclairage) se parent de bois précieux, les commandes se cachent dans des coffrages antiques ou derrière des interfaces tactiles discrètes… Même si les bandes de led sont incorporées à toutes les sauces !
En revanche, le style rétrofuturiste (le futur tel qu’il était imaginé par le passé, à la façon de Jules Vernes), voire ‘steampunk’, connaît un fort regain d’intérêt… nostalgie d’une époque ou le futur était forcément radieux, porté par les stupéfiantes promesses du progrès technique ?
Les références à l’Art Déco, aux années 30 sont nombreuses. Il est devenu le classique à réinterpréter de façon contemporaine avec des matériaux innovants, des couleurs vives…
Autre courant, la recherche de poésie (ou peut-être de spiritualité ?) : les formes nuageuses sont très souvent évoquées, le papier est exploité sous toutes ses formes, les designers se sont ces derniers temps également saisis des miroirs, c’est à dire des objets existants par leur environnement ! Le magazine Intramuros présentait d’ailleurs une exposition intitulée «Miroirs signés» avec une trentaine de designers sur ce thème.
C’est le grand retour des formes dont Pierre Paulin fut le chantre dans les années 1960-1970 (poufs, canapés à capitons…) et des matières, couleurs et motifs associés. Retour donc à des formes courbes, amples, organiques, mêlant résines, bois et textiles.
Mais également omniprésence de l’origami, des jeux de pliages et découpages…
Les matières privilégiées sont bien sur le bois, les matières végétales et la pierre, mais moins rustique et moins brutes que par le passé, et surtout alliées entre elles pour briser leur froideur. Elles doivent être chaudes, douces, rassurantes, encourageant la « calinothérapie », le contact.
Il y a une relative renaissance des couleurs (douces, claires et lumineuses) et surtout du vert (espoir et nature…) alors que les motifs floraux reviennent…
- Sur le secteur spécifique de l’Edition :
De nouveaux éditeurs continuent à apparaître (Singularité, Bellila…) sur le secteur « Now! » consacré à l’édition contemporaine, avec une obsession du « made in France ». Les séries sont petites et la qualité des collections toujours excellentes… Des entreprises dont l’enjeux d’investissement est faible comparativement aux autres hall, portées par des passionnés, mais dont la rentabilité est faible.
Par François-Xavier Faucher« ; »FR/ « ;; »inherit »; »open »; »open »;; »1782-